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DESPERADOS : UN ROMAN-FEUILLETON A L'EAU DE CACTUS

1 avril 2006

L'aveuglement - félins imaginaires et autres lunettes d'aveugle.

lunettespiscineLes deux années qui suivent sont assez pauvres sur le plan passionnel. Rien de très étonnant: aucun gus ne pourrait faire le poids face à la relation pour le moins étrange qui m'unit à Julie. Elle devient à la fois ma meilleure amie, ma soeur adoptive, ma pire ennemie, mon bourreau privé, mon bouc-émissaire perso, mon double et mon contraire, bref mon âme soeur comme on n'en trouve que lorsqu'on a huit ans.
  Nous vivons dans un monde en plastique qui n'appartient qu'à nous; les autres gosses nous voient avec stupéfaction faire des gestes dans le vide alors que nous sommes persuadées d'être en train de nous occuper de nos animaux invisibles (mais qui existent, si si! Malgré nos huit, puis neuf, puis dix ans bien sonnés, nous y croyons déjà beaucoup plus qu'à la sorcière cachée dans les toilettes du préau et à l'enfer situé sous la cantine de l'école...)
Nos animaux....une troupe de quatre-vingt félins, chacun doté d'un nom et d'une fiche signalétique, et avec ça, capables de réaliser des tâches sacrément compliquées. Imaginez un ocelot qui tape à la machine à écrire, un tigre du Bengale qui mitonne des petits plats à ses potes poilus, ou une panthère noire qui se laisse monter comme un vulgaire canasson, vous aurez une idée de notre état de délabrement mental.
A côté de ça, les garçons qui ne servent qu'à jouer au foot et à cracher par terre font bien pâle figure. Et quand, vraiment, je n'ai plus envie de les voir, ces petits héros pseudo-virils, j'enfile un ingénieux dispositif (du plus haut comique pour qui n'en connaîtrait pas l'utilité): les lunettes d'aveugle.
Soit une paire de lunettes de piscine rose fluo ayant appartenu à Julie (ce qui implique un certain degré de mâchouillage), recouverte de scotch opaque jaune. Le tout permet alors un aveuglement complet....seul l'aspect jaune du truc nous désole un peu par son manque de réalisme, il est certain que ceux qui ont la chance d'être aveugles pour de vrai ne voient pas de cette couleur-là, mais enfin c'est mieux que rien. Et puis Julie n'avait plus de scotch marron.
  Une fois les lunettes d'aveugle enfilées, le jeu consiste pour l'aveugle volontaire à attraper le bras de l'autre et à parcourir la cour de récré sous les yeux blasés des autres enfants qui échangent des pokémons
-anachronisme! j'ai écrit "pokémons", mais il s'agissait d'un autre type de gadget merdique, en ce temps. Au hasard, des pog's?-
Et ainsi, pendant que les autres filles se font déjà embêter par les garçons qui leur sussurrent des mots crus à l'oreille, je vis encore dans un monde protégé derrière mes lunettes bicolores fluo. Et quatre-vingt félins savants. Et des extraterrestres. Et des chats à moitié humains. Et une collection de pétards traditionnels tchécoslovaques.
  Bref, je crois que vous m'avez comprise...à l'époque où l'infâme Laua avait déjà dû montrer sa culotte ou ce qui lui tenait lieu de seins à une demi-douzaine de gus fascinés, j'étais encore bien, bien loin de faire de même....

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30 mars 2006

L'ataraxie. Quand la passion pousse au sacrifice.

girlFaisons maintenant un petit bond dans le temps. Nous arrivons en 1995. Kurt Cobain est mort, à sa place sévissent les Worlds Apart et les 2Be3, les pog's s'échangent de plus belle, mais tout ça me passe quelque peu au dessus de la tête. J'ai sept ans et j'entre en CE2, dans la même classe que ma meilleure amie Elodie (la question est: aurais-je survécu jusque là sans elle?)
  Les années comprises dans l'ellipse temporelle se sont déroulées dans l'ataraxie sentimentale (soit selon le petit Larousse: "l'absence complète de trouble de l'âme".)Mais hélas, toutes les belles choses ont une fin, et mes jupes écossaises, mes chemisiers à fleurs, mes babies vernies et mon esprit brillant font une nouvelle victime: un garçon de ma classe nommé Joris. Brésilien d'origine, que dire de plus? Il est là, simplement, sans que j'aie daigné le remarquer. Un jour, comme ça, au détour d'un couloir, maître renard me tient à peu près ce langage:
-Mais comment tu fais pour avoir une bouche aussi belle? Tu as des lèvres toutes roses, toutes parfaites....
(Ce gosse a huit ans, mais il sait déjà mettre les filles dans sa poche! J'aimerais bien savoir ce qu'il est devenu...)
Comprenant qu'il s'agit d'une manoeuvre de drague à peine déguisée, je ne peux pas m'empêcher de piquer un fard, bafouille l'ébauche d'un remerciement et prends la fuite au plus vite, de manière un peu lâche, mais polie.
Je n'ai pas vraiment le temps de méditer sur la signification de l'événement, car la vie m'entraîne à nouveau dans son tourbillon infernal: une nouvelle arrive dans la classe et jette son dévolu sur Elodie (qui pactise avec elle, l'infâme traître!) Les deux filles se mettent à comploter derrière mon dos sans que je puisse savoir de quoi il en retourne. Vers le mois de mars, la classe prépare le spectacle de fin d'année, et les deux pestes se rendent coupables d'une ultime trahison. Alors que j'ai proposé de monter un numéro intégrant chants et danses polonaises en costume, le tout sous ma bienveillante direction, Elodie et Eve montent un "contre-spectacle" sur le thème des Antilles.
  L'heure est grave: séparations ethniques, luttes pour le pouvoir, campagne de popularité...à l'âge de sept ans, je suis sur le point de devenir aussi pourrie qu'un homme politique en fin de carrière.
polishdance2Les enfants de la classe choisissent leur camp: d'un côté des filles populaires, souriantes, des rythmes exotiques et des costumes somme toute plutôt cools, de l'autre, la fille la moins glamour de la classe, une chanson aux paroles imprononçables, et des tenues, il faut bien le dire, assez grotesques. ( La tenue des garçons prévoit une culotte courte, des bottes à talons, un boléro et un chapeau plat à plume de paon. On hésiterait pour moins que ça...) La majorité des élèves rejoignent donc les deux Antillaises. Mais mes partisans, s'ils sont peu nombreux, sont déterminés.
Il y a parmi eux des élèves un peu insignifiants qui pour d'obscures raisons m'ont élue leur gourou et maître à penser, des ennemis d'Elodie, des ennemis d'Eve, et des enfants que leurs parents ont forcés à rejoindre le groupe de la première de la classe.

  Mais on sous-estime la puissance de la passion. Alors que mes adversaires rivalisent de persuasion pour attirer Joris dans leur groupe, ce dernier préfère endosser le boléro, les botte à talons et le galure emplumé - et compromettre par là gravement sa virilité - pour soutenir sa bien-aimée dans l'épreuve. Il danse et chante d'un air contraint mais proche de l'extase mystique des martyrs chrétiens sur le grill, et....enfin je fais attention à lui.
  Car sans être tombée dans les affres de la passion la plus brûlante, j'ai, disons, apprécié le geste. Et mon amour-propre me répète: Joris est amoureux...de moi! et de moi seule! il a même repoussé les avances d'Elodie et Eve réunies, même ces deux sirènes insulaires n'ont rien pu faire contre la puissance de mon sex-appeal, etc. Mais déjà, les deux sirènes en question ont mis au point une vengeance démoniaque; j'apprends par une camarade bien informée qu'elles fomentent un complot pour me rendre détestable aux yeux de Joris. La perfidie de leurs desseins ne peut que vous soulever le coeur, le plan consiste à feindre la réconciliation, puis à m'offrir moult bonbons et autres sucreries pour que - je vous le donne en mille - je devienne ENORME et donc absolument plus attirante.
  Le raisonnnement est judicieux, mais les deux vipère n'auront jamais le temps de mettre leur plan à exécution, car l'année scolaire se termine, puis une autre commence, et Julie arrive dans ma vie.

30 mars 2006

La préhistoire. Ce qui se passait VRAIMENT derrière le toboggan.

tobogganIl fut un temps où je n'avais pas la face recouverte de boutons, où j'étais habillée avec goût et discernement par ma mère qui avait une prédilection pour les ensembles jupe-à-fleur-chemisier-à-col-brodé-chaussures-vernies-à-boucle, et avec ça très précoce intellectuellement. A l'âge de quatre ans, j'étais déjà en mesure de lire "Plume l'ourson des neiges" quand mes camarades se contentaient de gribouiller leur prénom en tirant la langue. Il est évident qu'une fille aussi pleine d'attraits ferait tomber les morveux des cours de maternelle comme des mouches, sans même le faire exprès. C'est d'ailleurs ce qui est arrivé.
  Mon premier prétendant s'appelait Lucian, venait de Roumanie, et si j'en crois les photos de classe que j'ai conservées, il ressemblait à un croisement entre un korrigan et la fée Clochette. Un visage mince, le menton en pointe, les yeux presque bridés...s'il n'avait pas été habillé d'infâmes joggings adidas rouge et jaune fluo, mais d'un genre de pagne de feuilles, on aurait pu sans problème le recruter pour jouer un lutin des bois au spectacle de fin d'année.
Mais ce genre de choses m'importait alors fort peu, dans la mesure où je n'avais encore jamais remarqué son existence. Jusqu'au jour où alors que j'étais en train de scruter pensivement l'aquarium de la classe il s'est approché de moi et m'a murmuré timidement: "Je suis amoureux de toi."
la déclaration d'amour la plus simple, la plus jolie, la plus sincère, et surtout le première et la seule qu'on m'ait jamais faite.....mais à l'époque, tout ça me dépassait totalement.
Et pour cause.
J'ignorais tout simplement ce qu'il avait diable pu vouloir dire.
A l'âge de quatre ans, je me suis interrogée -très rapidement- sur le sens de l'expression "être amoureux". Mais, n'arrivant à aucune conclusion valable, j'ai assez vite classé l'affaire.
Ma première leçon de vocabulaire pratique n'est intervenue que plus tard, grâce à Violaine et Nicolas, deux mioches de ma classe qui semblaient correspondre à la définition...en tout cas c'est ce qu'ils prétendaient. (D'ailleurs, c'était visiblement Violaine qui portait la culotte dans l'affaire...)
Et cet état abstrait -amoureux- se manifestait de la manière la plus mystérieuse possible. Une fois par jour en moyenne, les deux tourtereaux débutants se livraient à une activité apparemment indispensable à la cohésion de leur couple.
Ils faisaient d'abord le tour de leurs connaissances dans la cour de récré. En prenant soin de n'oublier personne.
Suite à quoi, ils annonçaient à la cantonnade qu'ils allaient "derrière le toboggan". a la question "pour quoi faire?" posée par un naïf ou un étourdi, voilà ce qu'ils répondaient:
-On se fait des bisous d'amour.
D'après le peu que j'ai pu en voir, cette activité était assez éloignée du roulage de pelles traditionnel de nos campagnes. juchée en haut du toboggan, il m'arrivait d'assister à leurs ébats, dont je vous livre en exclusivité le secret:
le but était de se rouler dessus, de tortiller les jambes dans tous les sens, et de dévorer les joues du partenaire de baisers baveux tout en lui tirant sauvagement les cheveux (à ce petit jeu, Violaine qui avait de longues nattes brunes était nettement désavantagée...)
le tout, et c'est là le plus bizarre, dans le plus complet silence.

J'étais un peu perplexe. Ces jeux puérils n'éveillaient pas en moi le moindre intérêt, j'avais déjà beaucoup trop de choses essentielles auxquelles me consacrer:
-finir "Plume le petit ours blanc" AVANT ma meilleure amie Elodie
-faire un dessin pour mon père, qui était alors pour moi l'homme le plus attractif du monde, rien à voir avec ces morveux qui constituaient mon entourage
-terminer mes expériences solitaires sur la chute des cailloux dans les grilles des égouts.
Vaste programme.
Et tout ça me laissait à peine le temps d'observer de temps à autre (toujours dans une démarche purement scientifique) Nicolas et Violaine à l'oeuvre.

Quant au malheureux Lucian, il était de toute évidence superflu. Je me souviens qu'il a déménagé à la fin de l'année, et que ma mère a insisté pour que j'aille lui dire au revoir. Je me suis exécutée poliment, en pensant encore à autre chose. Ma première rupture n'en a pas été une: faut-il en déduire qu'elle a conditionnné la suite de mes histoires de coeur?

30 mars 2006

PRELUDE

virginmary2-Quoi?
(tu as parfaitement entendu, pauvre conne. A ma grande désolation, d'ailleurs.)
  Il est clair que Laura n'en croit pas ses oreilles. Je tente de feindre le détachement:
-Et ouais. (-air ironique et totalement assumé à la fois. Intérieurement, je la hais, je la maudis, je ne rêve que de lui écraser la cervelle contre un parpaing...-) Ca arrive à des filles très bien, tu sais!
Visiblement, elle ne sait pas. Laura roule des yeux incrédules comme si je venais de lui annoncer que j'étais le messie du XXIeme siècle venu lui apporter l'absolution. Et la voilà qui profère:
-Attends, t'es en train de me dire que tu t'es jamais fait de mec? T'es vierge?
L'odieuse me regarde d'un air insistant, les yeux plus écarquillés que jamais, la bouche entrouverte, comme une gourdasse qu'elle est probablement.
T'es vierge. Et bien techniquement...enfin disons que si l'infâme avait eu vent de mon aventure avec John, je pourrais peut-être argumenter dans le sens contraire. Bien qu'un examen gynécologique basique risque de réduire à néant tous mes efforts.
  En théorie donc, la réponse serait oui. Mais en pratique...cependant, l'affreuse Laura ne semble pas à même de mesurer le fossé qui sépare la théorie de la pratique; il est clair que son esprit rudimentaire vient de me classer dans une seconde catégorie comprenant les
nonnes, les coincées, les frustrées, les prudes et autres vierges effarouchées. Sans parler des lesbiennes
- je sens qu'elle me scrute pour détecter d'éventuels symptômes de saphisme, mais son examen ne semble pas concluant -
Toujours est-il qu'elle vient d'avoir la confirmation de ses pires craintes:nous ne sommes pas du même monde, puiqu'elle a la chance d'appartenir à la catégorie numéro 1, dite "des filles normales" (comprenez: ni nonnes, ni frustrées, ni lesbiennes), qui ont eu l'heureuse initiative de perdre leur virginité vers leur quinzième année dans des endroits à peu près aussi propices à cette activité que:
-la banquette arrière d'une voiture                                                                                    
  clothflowers_daisypowerpeach
-une soirée chez le copain d'une cousine d'un pote                           
-les chiottes d'une boîte de nuit                                                                
-les chiottes d'un bar
-les chiottes d'une station service
-etc.

N'ayant au cours de ma quinzième année fréquenté aucun de ces endroits, j'avais logiquement moins de chances que les autres d'arriver à un résultat probant. mais, alors que j'en suis à constater cela, la bouche de Laura a la triste idée de se remettre en activité, et ô horreur, elle endosse le rôle de la grande soeur protectrice avec bagage d'expérience et idées bien arrêtées sur l'existence. Soit un personnage odieux.
  Et la voilà qui enchaîne:
-Non mais faut pas t'en faire. Ca finira bien par arriver, t'es mignonne et tout. T'es peut-être trop exigeante avec les mecs. Et puis, tu vois, l'essentiel c'est d'être sûre de toi, d'avoir confiance en toi, tu vois. J'veux dire, je vois plein de nanas moches qui se tapent des mes pas trop mal, tout ça parce qu'elles se croient bonnes, tu vois. Alors y a pas de raison que toi t'y arrives pas, mais faut te bouger un peu le cul quoi!
  Après ce monologue, satisfaite, elle attend ma réaction. Et moi je pense:
oui, parmi tous ces lieux communs dignes du courrier du coeur de TéléZ, l'abjecte Laura a peut-être pondu une phrase de bon sens, une seule phrase qui me donnerait la clé de mes échecs précédents. Mais cette impression se dissipe vite dans le brouillard de ce froid matin de novembre.

Par bonheur, après avoir violé ma vie privée pendant près d'une demi-heure jusqu'à l'aveu final (extorqué je ne sais toujours pas comment. Derrière son air profondément con, cette fille est de la race dont on fait les grands inquisiteurs...), ma tortionnaire s'apprête à rentrer en cours. Quant à moi, il me reste encore une heure à attendre dans cet amas de gravats et de bois en voie de décomposition - le jardin de la fac. Une heure de délices en perspective, avec les fesses dans un état de glaciation avancé dû à la pierre sur laquelle j'ai commis l'erreur de m'asseoir, et l'esprit dans un état d'humiliation comparable.
Le "quoi," prononcé par la voix nasillarde de laura résonne encore à mes oreilles gelées.
Si cette idiote savait.
Certes, je suis encore vierge à 17 ans et demie.
Et effectivement, comme elle l'a brillament souligné, je n'ai jamais eu d'amoureux officiel. Mais j'ai des justifications à apporter. Si vous le voulez bien, Monsieur le commissaire, je vais tout vous expliquer.
Mais par quoi commencer?

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DESPERADOS : UN ROMAN-FEUILLETON A L'EAU DE CACTUS
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